Outre une vocation élargie, le conjoint se voit accorder des droits sur le logement qui constituait au jour du décès l’habitation principale.
La loi du 03 décembre 2001 a souhaité maintenir au conjoint survivant son cadre de vie. A cet effet, il se voit accorder :
– Un droit temporaire au logement, protection minimum dont il ne peut être privé (article 763 du Code Civil).
– Un droit viager au logement (article 764).
Ces droits concernent :
- le local occupé effectivement à titre d’habitation principale par le conjoint,
- qui appartient aux époux (communauté ou indivision) ou dépend totalement de la succession (bien propre ou personnel du défunt).
Le conjoint survivant divorcé ne peut prétendre aux droits au logement. Et en cas de séparation de fait ou de corps, le lien conjugal n’étant pas brisé, le conjoint survivant conserve sa vocation successorale et par conséquent ses droits au logement.
--> Le droit temporaire au logement
Le conjoint bénéficie pendant une année de la jouissance gratuite de ce logement ainsi que de celle du mobilier qui le garnit compris dans la succession.
Si ce local est pris à bail, la succession doit au conjoint survivant le remboursement des loyers pendant l’année et au fur et à mesure de leur acquittement.
Ces droits sont réputés effets directs du mariage et non droits successoraux. Le conjoint survivant profite donc de ce droit en qualité d’époux et non d’héritier. La naissance de ce droit emporte plusieurs conséquences :
– Le droit est accordé même si le conjoint survivant renonce à la succession.
– En restant dans le logement, le conjoint n’accepte pas pour autant tacitement la succession.
Le bien doit dépendre totalement de la succession, excluant de cette façon les biens immobiliers dont le défunt était usufruitier (réponse ministérielle du 25/01/2005). Attention donc aux donations avec réserve d’usufruit.
Par ailleurs, la loi du 23/06/2006 a étendu le champ d’application du droit au logement temporaire aux biens appartenant pour partie indivise au défunt. Ainsi, pour les successions ouvertes depuis le 01 janvier 2007, le droit au logement temporaire peut s’exercer lorsque la résidence principale du conjoint survivant est détenue par le défunt en indivision avec un ou plusieurs tiers. Dans cette hypothèse, comme le bien indivis est occupé par le conjoint survivant, celui-ci est redevable d’une compensation financière (article 815-9). C’est donc la succession qui aura la charge de rembourser au conjoint survivant l’indemnité d’occupation due aux coïndivisaires pendant une année.
Les dispositions de ce nouvel article 763 sont d’ordre public : l’époux prédécédé ne peut en priver son conjoint.
Si le bien immobilier est logé dans une SCI, le couple associé est propriétaire des parts sociales de l’entité juridique et non du logement si bien que le droit temporaire au logement est refusé au conjoint survivant. Toutefois, le droit temporaire au logement sera maintenu dans cette situation lorsque les époux ont conclu avec la SCI un bail ou une convention d’occupation. Si tel est le cas, le conjoint survivant pourra exiger le remboursement des loyers durant les 12 mois suivant le décès et pourra ensuite poursuivre le bail ou la convention d’occupation jusqu’à sa résiliation.
--> Le droit viager au logement
Ce droit, contrairement au précédent, n’est pas d’ordre public. Le conjoint prédécédé peut en priver le survivant, mais seulement par testament authentique (confirmé par l’arrêt de la Cour de Cassation du 15 décembre 2010). Dans ce cas, voir les précisions de l’article 764 alinéa 3.
Et rien n’interdit de fixer un terme au droit d’usage et d’habitation.
Si une telle disposition n’a pas été prise, le conjoint se voit reconnaître sur ce logement, à titre viager, un droit d’habitation et un droit d’usage sur le mobilier le garnissant.
Contrairement à un droit d’usufruit, ce droit n’est pas cessible, et il interdit de louer (sauf si le logement n’est plus adapté : article 764 alinéa 5). Il procure uniquement le droit d’user la chose.
Si la loi n’impose pas une formalité particulière, il est conseillé de réclamer son droit par écrit auprès des héritiers par LRAR ou auprès du notaire. Ici, le conjoint survivant doit accepter au préalable la succession. Et opter pour le droit viager emporte automatiquement acceptation tacite de la succession.
Si le logement occupé à titre de résidence principale par le conjoint survivant est pris à bail, ce dernier bénéfice du droit d’usage viager sur le mobilier le garnissant.
Ces droits d’habitation et d’usage peuvent être par convention converti en une rente viagère ou en un capital (nouvel article 766).
La valeur de ces droits ne s’ajoute pas aux droits successoraux du conjoint mais s’y impute. Toutefois, si cette valeur excède la vocation du conjoint, ce dernier n’est pas tenu de récompenser la succession à raison de l’excédent.
Le conjoint doit manifester sa volonté de bénéficier de ces droits d’usage et d’habitation. Il dispose pour cela d’un délai d’un an à compter du décès.
L’article 764 al 3 prévoit que « le conjoint, les autres héritiers ou l’un d’eux peuvent exiger qu’il soit dressé un inventaire des meubles et un état des immeubles soumis aux droits d’usage et d’habitation ».
Remarques
– Depuis la loi du 23/06/2006, ces droits au logement s’appliquent même en présence d’enfants d’un premier lit.
– Si le bien est indivis, ce droit ne s’applique pas à l’expiration du droit temporaire.
– L’usufruit légal est fragile et peut-être annulé si un enfant adultérin jusque là inconnu se manifestait plus d’un an après le décès. Il en est de même si on retrouve un testament olographe après le règlement de la succession qui nomme un tiers légataire de cet usufruit. Dans ces situations, le conjoint survivant se verrait priver de son usufruit et ne pourrait prétendre à son droit viager au logement si le délai d’un an est expiré. C’est pourquoi pour ne pas être déchu de son droit viager au logement, il peut être conseillé au conjoint survivant d’exercer son droit à titre conservatoire de sorte que son cadre de vie soit maintenu.
Précisions fiscales
--> Sur le droit temporaire au logement : le traitement fiscal du droit au logement a été précisé par une instruction du 07 avril 2003 ; né du mariage, le droit temporaire au logement n’est donc pas taxable aux droits de succession, et la valeur du droit ne s’impute pas sur les droits successoraux du conjoint survivant.
Les loyers remboursés à l’époux survivant ne sont pas non plus imposés à son niveau.
Corrélativement, le droit temporaire au logement n’est pas admis en déduction du passif de la succession, à une exception près : les loyers dus par cette dernière au titre de l’habitation du conjoint survivant, lorsque celui-ci est locataire, sont déductibles de l’actif successoral.
--> Sur le droit d’habitation sur le logement et d’usage sur le mobilier : la loi de décembre 2001 prévoit que pour la liquidation des droits de mutation à titre gratuit, la valeur des droits viagers est de 60% de la valeur de l’usufruit déterminée conformément au code général des impôts.
L’administration a précisé que pour l’application de ce barème (art 669 du CGI), il convient de prendre en compte l’âge du conjoint survivant au terme de l’exercice du droit temporaire au logement, donc un an après le décès.
Si la valeur du droit viager au logement excède sa part successorale, l’impôt de mutation dû par lui est liquidé sur la base de ce droit, donc sur ce qu’il perçoit effectivement.
La conversion des droits d’habitation et d’usage du conjoint survivant en une rente viagère ou en un capital n’a pas de conséquence sur la liquidation des droits de mutation à titre gratuit.