La réserve héréditaire en nature est remplacée par une réserve en valeur. Ce changement permettra aux légataires et donataires de conserver les biens reçus, à charge pour eux d’indemniser les autres héritiers réservataires.
1- Suppression de la réserve des ascendants
La réserve héréditaire correspond à la fraction de succession qui revient obligatoirement à certains héritiers désignés par la loi. En l’absence d’enfants, les ascendants du défunt bénéficiaient d’une réserve héréditaire sur les biens du défunt.
La réforme supprime leur réserve. En revanche, les ascendants bénéficient en cas de prédécès d’un enfant sans postérité, d’un droit de retour sur les biens qui avaient été donnés à ce dernier. Une clause de droit de retour était souvent prévue par l’acte de donation. Désormais, même si l’acte de donation ne l’a pas prévue, les ascendants bénéficient d’un droit de retour légal à hauteur d’1/4 de la valeur du bien pour un seul parent et à la moitié de la valeur du bien pour les 2 parents.
De plus, il n’y a pas lieu à perception des DMTG. Un nouvel article 763 du CGI confirme cette exemption.
2- Renoncer à sa réserve héréditaire
--> Raccourcissement du délai d’action en réduction
L’action en réduction permet à un héritier réservataire (descendant, conjoint) de réduire les libéralités consenties par le défunt à d’autres personnes si elles portent atteinte à sa réserve. L’héritier réservataire disposait de 30 ans pour agir.
Il dispose désormais de 5 ans à compter du jour de l’ouverture de la succession pour le faire ou de 2 ans à compter du jour où il a eu connaissance de l’atteinte portée à sa réserve. En aucun cas, le délai pour agir en réduction ne pourra excéder 10 ans à compter du décès.
--> Et possibilité d’y renoncer par avance – la RAAR = renonciation anticipé à l’action en réduction
Renoncer à son action en réduction avant que la succession ne soit ouverte n’avait aucune validité juridique.
Avec la réforme, il est possible de renoncer par avance à tout ou partie d’une succession dont on est héritier. Le défunt disposera désormais de davantage de liberté pour organiser celle-ci.
Les pactes sur successions futures étaient et restent prohibés. La loi du 23/06/2006 ajoute simplement de nouvelles exceptions à ce principe.
La renonciation pourra être totale ou partielle, voir même porter sur un bien particulier (la maison de famille), au profit d’un membre de la famille ou même d’un tiers.
Cette renonciation que la loi civile énonce comme « ne constituant pas une libéralité » ne sera pas soumise aux droits de mutation à titre gratuit.
Cette renonciation est caduque s’il n’a pas été porté atteinte à la réserve héréditaire de l’héritier renonçant.
Le législateur a strictement encadré le mécanisme : sous peine de nullité, renonçant et bénéficiaire de la renonciation devront faire figurer leur accord à un acte reçu par 2 notaires. Une fois la renonciation dûment enregistrée, il ne sera plus possible de revenir en arrière. A l’exception de 3 hypothèses particulièrement graves : si le bénéficiaire de la renonciation s’est rendu coupable d’un crime ou d’un délit contre sa personne notamment.
La renonciation au profit d’un frère ou d’une sœur handicapée devrait faire partie des cas les plus répandus.
3- Opter sereinement
--> Raccourcissement du délai d’option
Avant, l’héritier avait 30 ans pour accepter.
Avec la réforme, le délai de prescription est porté à 10 ans à compter du jour de l’ouverture de la succession. L’héritier peut être mis en demeure d’opter par les cohéritiers ou les créanciers.
Le recours au partage amiable est favorisé. Le recours au partage judiciaire est réservé pour les cas réels de conflit.
Remarque
Au terme de l’article 815 du Code Civil, le droit de demander le partage est imprescriptible.
--> Modification des règles d’acceptation
Avant, l’héritier avait le choix entre l’acceptation sous bénéfice d’inventaire et l’acceptation pure et simple. Dans ce dernier cas, il était tenu des dettes de la succession sur son patrimoine personnel : il y avait confusion des patrimoines.
A compter du 01 janvier 2007, même en cas d’acceptation pure et simple, l’héritier pourra demander au juge d’être déchargé du paiement d’une dette si 3 conditions sont réunies (article 786 du Code Civil) :
– S’il ignorait l’existence de cette dette au moment de l’acceptation.
– Si l’acquittement de cette dette porte atteinte de façon notable à son patrimoine.
– Si son action est introduite dans les 5 mois à compter du jour où il a eu connaissance de la dette.
La loi précise qu’il sera désormais possible pour l’héritier d’accomplir certains actes sans que cela ne constitue une acceptation tacite. La loi énumère précisément ces actes :
- paiement d’impôts,
- vente de biens périssables,
- gestion de l’entreprise, opérations courantes nécessaires…
L’acceptation sous bénéfice d’inventaire devient l’acceptation à concurrence de l’actif net. L’héritier ne s’engage à garantir les dettes qu’à concurrence de l’actif successoral.
L’acceptation pure et simple nécessite davantage de diligence et l’accomplissement de formalités obligatoires, notamment en termes de publicité. Si elle n’est pas toujours nécessaire, elle peut contribuer à sécuriser l’héritier dans certaines situations, comme la succession à la tête d’une entreprise.
Les héritiers pourront donc au choix accepter purement et simplement, accepter à concurrence de l’actif net ou encore renoncer à une succession.
--> Renonciation au profit de ses enfants
Avant, si un héritier renonçait à sa succession, sa part successorale revenait à ses cohéritiers et non à ses enfants.
Avec la réforme, il est aujourd’hui possible de passer son tour au profit de ses enfants : ceux-ci vont donc venir en représentation du parent renonçant. Tout se passe comme si la génération intermédiaire n’avait jamais existé.
Il n’est cependant pas possible de favoriser un enfant en particulier.
Fiscalement
Renoncer n’est pas donner. Il devient possible de renoncer à des droits dans une succession, sans que le fisc y voit une donation taxable. Les représentants du renonçant, appelés à sa place, supportent les droits aux taux qui leur sont propres (fonction du degré de parenté avec le défunt) et se répartissent même l’abattement personnel du renonçant.
Remarque
L’héritier d’un assuré peut refuser sa succession tout en acceptant les contrats souscrits par lui à son profit, et inversement.
Jurisprudence
Concernant l’arrêt de la Cour de Cassation du 15 mai 2008, sur une affaire antérieure à la loi du 23/06/2006 :
Monsieur L. décédé, avait consenti différents legs à des associations, et avait pour héritières sa fille née d’une première union, et sa nouvelle épouse, légataire également. Monsieur L. avait réalisé une donation en avancement de part successorale à sa fille.
En acceptant la succession de son père, la fille aurait conservé sa donation, qui se serait imputée sur sa réserve, et pour le surplus sur la quotité disponible. Les différents legs s’imputant quant à eux sur le solde du disponible.
Mais la fille renonce à la succession. Elle est censée n’avoir jamais été héritière. Elle n’est plus tenue au rapport de la donation. Cette libéralité devient hors succession et s’impute exclusivement sur la QD. L’excédent pouvant être réduit (par son fils en représentation). Mais surtout, cela rend impossible toute délivrance de legs.
Le petit-fils prend la qualité d’héritier réservataire (Monsieur L. n’avait pas d’autre enfant que sa fille, sinon le petit-fils n’aurait pu venir en représentation antérieurement à la loi du 23/06/2006) et doit recueillir sa part de réserve égale à la moitié des biens. Et il n’est pas tenu au rapport des libéralités faites à sa mère. La QD étant entièrement absorbée par la donation faite à la fille, voire même réductible, le petit-fils de Monsieur L. va appréhender l’intégralité des biens composant la succession de son grand-père.
La Haute juridiction considère qu’il n’y a pas fraude.
Qu’en serait-il aujourd’hui après la loi du 23/06/2006 ?
La renonciation de la fille aurait toujours les mêmes effets.
Remarque
Attention que cette renonciation n’emporte pas acceptation.
Si une transaction est signée entre héritiers, l’administration fiscale peut considérer que le renonçant a acceptée la succession, et taxera le renonçant. On parle de renonciation réalisée à titre onéreux.
La Cour de Cassation, dans son arrêt du 26 juin 2012, confirme le redressement « la renonciation étant incluse dans une transaction, elle était assortie de contreparties qui en constituaient le prix », et emporte acceptation de la succession. Les DMTG sont à payer.