--> Le montage
Tout professionnel indépendant en cours de carrière doit s’interroger sur l’opportunité d’acheter ses murs professionnels.
En qualité d’actif professionnel, les murs apportent au praticien la sécurité.
Sur le plan familial, c’est un placement stratégique dont la transmission peut être optimisée.
Quelle affectation fiscale de l’immeuble ?
- le conserver dans son patrimoine privé,
- l’intégrer à son patrimoine professionnel, inscrit sur le registre des immobilisations,
- utiliser une SCI,
- acquisition en démembrement : la NP en direct ou via une SCI et l’US dans la société d’exploitation.
--> Affectation de l’immeuble au patrimoine privé
Cette alternative répond en effet à différentes motivations :
- se constituer un patrimoine privé dont le financement est assuré par le versement de loyers normaux par la société,
- ne pas surenchérir la valeur de l’entreprise en inscrivant les murs à son bilan, ce qui risque d’en rendre la vente plus difficile,
- isoler l’immobilier d’entreprise des aléas d’exploitation de l’activité professionnelle,
- disposer d’une source de revenus complémentaires lors de la cessation de l’activité.
Le professionnel ne pourra déduire au titre des revenus professionnels, ni amortissement, ni intérêt d’emprunt, ni impôt foncier, ni grosse réparation.
Seules les dépenses courantes d’occupation pourront être retenues en déduction du bénéfice (chauffage, électricité, entretien courant) en plus du loyer si un bail est prévu.
En cas de vente, régime des plus-values immobilières des particuliers.
En cas de cessation d’activité, aucune incidence, l’immeuble est dans le patrimoine privé.
--> Affectation de l’immeuble à l’actif professionnel
Le professionnel pourra déduire :
- les frais d’acquisition
- toutes les charges : réparation, assurance, taxe foncière, intérêt d’emprunt…
Le professionnel pourra amortir le prix d’acquisition de l’immeuble.
Il pourra récupérer la TVA pour les professionnels assujettis.
En cas de vente, ou de cessation d’activité : régime des plus-values des professionnels.
Remarque
Si transfert d’un bien du patrimoine professionnel vers le patrimoine privé, alors taxation selon régime des plus-values professionnelles (toute modification de l’utilisation des murs). Le fait générateur de la plus-value professionnelle est le retrait du registre des immobilisations pour les BNC, et du bilan pour les BIC. De plus, lorsque les locaux professionnels sont convertis à un usage d’habitation ou viennent à être donnés en location, même si l’immeuble reste inscrit sur le registre des immobilisations, il y a réalisation d’une plus-value taxable.
--> Les charmes de la SCI
La SCI constitue un écran juridique.
Fiscalité :
- au regard du cabinet locataire : déductibilité des loyers et des charges,
- au regard de la SCI propriétaire de l’immeuble : elle va imputer sur les loyers versés par le cabinet les intérêts de l’emprunt et les autres charges autorisées dans le régime de droit commun.
Il faut fixer un loyer normal : si excès alors considéré comme un acte anormal de gestion et le fisc peut refuser la déductibilité.
Sur le plan familial, en l’absence de SCI, les héritiers se retrouvent en indivision. La constitution d’une SCI peut optimiser la transmission de l’immeuble aux enfants en les associant au capital de la société.
Remarque
Si le cabinet est lui-même en société (SCP, SEL…), alors l’écran juridique existe déjà sans qu’il soit nécessaire de créer une SCI, en tout cas si l’unique but recherché est d’imputer les intérêts d’emprunt tout en conservant le bien dans son patrimoine privé.
Si la SCI est à l’IR
On ne peut pas déduire les frais d’acquisition, ni amortir l’immeuble. Une liste de charge est définie (intérêts d’emprunt, travaux, impôts et taxes, assurance, frais de gestion…).
Les bénéfices sont imposés au nom des associés, dès qu’ils sont constatés.
Si vente de l’immeuble : régime des plus-values immobilières des particuliers.
Si vente des parts de la SCI : idem.
Remarque
Concernant l’acquéreur des parts de la SCI à l’IR : les intérêts d’emprunt pour acquérir des parts d’une SCI à l’IR sont imputables sur le revenu foncier, par instruction administrative (l’administration ne souhaite pas que la fiscalité soit un frein à l’acquisition d’un immeuble à plusieurs ; si on peut déduire en direct, on peut par le biais d’une SCI).
Si la SCI est à l’IS
Elle impute sur ses recettes toutes ses charges.
Permet de déduire les frais d’acquisition ainsi que d’amortir le bien.
Si vente de l’immeuble : plus-value prise en compte dans le résultat de l’exercice en cours dans les conditions de droit commun.
Si vente des parts de la SCI : régime des plus-values mobilières, (depuis 2004, exclu du champ d’application du régime des plus-values immobilières des particuliers).
Remarque
Concernant l’acquéreur des parts de la SCI à l’IS : les intérêts d’emprunt pour acquérir des parts d’une SCI à l’IS ne sont pas imputables sur les dividendes.
Les bénéfices sont imposés dans le patrimoine des associés quand ils seront distribués, dans la catégorie des RCM.
--> Acquisition en démembrement
Faut-il craindre l’abus de bien social lors de l’acquisition en démembrement de propriété d’immobilier d’entreprise ?
Le principe est simple : les locaux sont acquis par la société pour l’US et par le dirigeant, ou une SCI, pour la NP.
L’abus de biens sociaux se caractérise par un usage des biens (ou du crédit) de la société contraire à l’intérêt social dans le but de satisfaire un intérêt personnel du dirigeant ou pour favoriser une autre société dans laquelle il est directement ou indirectement intéressé.
Le démembrement peut ici faire naître une opposition d’intérêt entre usufruitier (la société) et nu-propriétaire (le dirigeant). Mais pas pour Madame la ministre de la Justice, sous réserve de l’appréciation des juges du fond. On soulignera l’importance fondamentale que revêt l’évaluation des droits démembrés dans ce genre d’opération. Il ne s’agit pas de retenir une valeur fiscale (article 762 II du CGI), mais de coller à la réalité économique, en utilisant la méthode du cash flow actualisée (méthode économique).
Fiscalité de ce montage
L’administration a été interrogée pour savoir si cette opération rentrait dans le champ d’application de l’article 13-5 du CGI issu de la loi de finances pour 2013 (voir ci-dessous).
Réponse Ministérielle Lambert du 02 juillet 2013 : elle estime que l’acquisition démembrée relève bien des dispositions de l’article 13-5 du CGI.
Pour autant, ce n’est pas la loi : c’est une interprétation administrative du texte de loi.
Le vendeur cède pourtant la PP en une seule vente, et non deux ventes. Et le cédant ici, ne reconstituera pas la PP à la fin de l’US temporaire. Et comment sera alors imposé le cédant ? Il supportera un impôt différent selon une évaluation économique ou fiscale de l’US. Le notaire acceptera-t-il de passer l’acte sans application de l’article 13-5 du CGI ?