Chaque gérant de portefeuille a son propre style (culture financière, expérience…) pour sélectionner des titres. Le but demeure toujours de bien répondre aux attentes des clients relatives à la diversification des risques et à l’augmentation des rendements, tout en faisant mieux que la concurrence.
Les stratégies passives et les stratégies actives sont concurremment utilisées dans la gestion de portefeuilles. Dans l’industrie de la gestion d’actifs (asset management), l’hypothèse d’efficience des marchés financiers est l’objet de vives controverses depuis qu’elle a été formulée. Elle se résume par l’idée qu’il est impossible d’obtenir des rendements anormaux. Conséquence de cette hypothèse, une gestion rationnelle de portefeuilles devrait être passive.
Cependant, les analystes financiers et leurs employeurs déploient des ressources et des moyens techniques considérables dans l’espoir de battre le marché. Tel est précisément l’objectif de la gestion active.
– Les stratégies passives
La gestion passive est née grâce au CAPM et aux travaux de Markowitz et de Sharpe sur la sélection de portefeuille. L’hypothèse des marchés efficients, le concept du portefeuille de marché, le principe de la diversification locale et internationale, et les résultats de plusieurs études empiriques montrant la futilité de la gestion active et, surtout, les coûts élevés que font supporter aux investisseurs les adeptes de cette approche ont poussé plusieurs investisseurs institutionnels à remettre en question la gestion active.
L’hypothèse de l’efficience des marchés
La théorie de l’efficience, basée sur le caractère aléatoire des variations des prix suggéré par Bachelier (1900), a été développée au cours des années 1960. Sous ses 3 formes (faible, semi-forte et forte), elle se résume par l’idée qu’il est impossible de prévoir les variations futures des cours des titres financiers et par la prémisse que le prix de marché d’un titre donné reflète immédiatement toute l’information disponible et pertinente permettant d’évaluer ce titre.
L’efficience faible : postule que dans un marché parfait (sans impôts et sans coûts de transaction) les prix actuels et les prix passés ne permettent pas de prévoir les prix futurs. Cette conclusion implique que l’analyse technique (chartiste) est inutile.
L’efficience semi-forte : un marché est efficient selon la forme semi-forte si le prix actuel d’un actif financier reflète toute l’information publique disponible concernant cet actif. Dans un tel marché, la sélection des titres ne peut pas donner un rendement supérieur à celui du marché et les gérants de portefeuilles ne sont pas capables de battre le marché. Ils doivent se contenter de répliquer l’indice afin d’avoir le même rendement.
L’efficience forte : les prix actuels sur le marché reflètent toute l’information pertinente, qu’elle soit publique ou privée. Il est impossible de réaliser des profits anormaux, même en ayant des informations privilégiées.
La gestion indicielle
Un fonds indiciel est un portefeuille formé pour répliquer un indice donné, qu’il soit national (CAC 40, S&P 500…) ou international (EAEF, MSCI World). Le gérant reproduit l’indice en achetant les actions composant l’indice et en respectant scrupuleusement dans la composition de son portefeuille le poids de chacune des actions dans l’indice.
Les arguments les plus séduisants évoqués par les gérants de fonds indiciels reposent sur l’efficience des marchés et les coûts de transaction.
– Les stratégies actives
Le but de la gestion active est d’identifier des sources de profit qui permettent de sur-performer le marché : c’est-à-dire de faire mieux que l’indice, ou tout autre référence préalablement spécifiée, en termes de risque et de rendement.
Les adeptes de la gestion active ne croient pas à l’efficience totale des marchés. Ils pensent qu’il existe des opportunités permettant de réaliser de bonnes affaires dues aux écarts entre le prix de marché des actions et leurs valeurs intrinsèques (la valeur intrinsèque d’une action reflète la situation actuelle de l’entreprise et les bénéfices futurs escomptés).
Cette conviction est confortée par plusieurs études empiriques qui ont révélé l’existence d’anomalies et d’énigmes sur les marchés financiers. En ayant recours à des compétences techniques, en utilisant des méthodes quantitatives élaborées, et en s’appuyant sur des analystes spécialisés (par secteurs, par pays), la gestion active peut détecter ces anomalies et réaliser des performances supérieures à celles de la gestion indicielle.
Les principales anomalies sont :
– les récurrences des rendements boursiers : plusieurs études ont mis en évidence l’existence de récurrences (saisonnalités) dans le comportement des rendements boursiers. Ces récurrences sont observées au niveau de certains mois de l’année (effet janvier), de certains jours de la semaine (effet lundi), ainsi que de l’heure de la journée (effet ouverture et effet fermeture).
– les effets spécifiques aux entreprises : certaines études ont montré que les titres des sociétés de petite taille ayant de faibles ratios valeur marchande/valeur comptable, un taux élevé de distribution de dividende ou un faible ratio prix/bénéfice tendent, par exemple, à réaliser des rendements supérieurs à ceux prévus par le CAPM.
D’autres études montrent que l’analyse de l’information peut conduire à réaliser des bénéfices intéressants. Cette analyse se fait dans le cadre d’une approche top-down ou d’une approche bottom-up. Chacune d’elle est articulée autour de 3 stratégies :
– l’allocation d’actifs (asset allocation) : fait référence au choix des pays et des différentes pondérations allouées à chacun d’eux, au choix des différentes classes d’actifs (actions, obligations, TCN, monétaire), au choix des secteurs, et à celui des types de sociétés (faible ou grosse capitalisation),
– la sélection des titres (stock selection) : repose sur différents critères fixés par le gérant. Selon le niveau de risque et l’horizon d’investissement (CT ou LT), le gérant essaie de sélectionner les actions sous-évaluées par le marché et présentant des potentiels de croissance intéressants ou satisfaisant tout autre indicateur retenu par le comité d’investissement,
– la période d’intervention sur le marché (market timing) : elle est relative au moment choisi par le gérant pour augmenter ou diminuer les fonds investis dans les actions d’un marché, d’un pays, d’un secteur, d’une industrie…
La démarche top-down
Les gérants de portefeuilles qui utilisent cette approche privilégient la stratégie d’allocation d’actifs plutôt que la sélection des actions individuelles. Ils fixent d’abord les proportions allouées à chaque pays, à chaque secteur, à chaque industrie, puis choisissent les actions répondant le mieux aux critères fixés.
Par exemple, le gérant anticipant une baisse de la devise du pays retenu peut privilégier les entreprises ayant des bénéfices provenant d’une forte décentralisation internationale. Il choisit alors les actions répondant à ce critère et ce, dans la limite des fonds alloués au pays considéré.
Illustration de l’approche top-down :
Étude de l’économie mondiale
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Analyse et scénarios
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Analyse par pays et prévisions
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Allocation par pays
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Japon, Royaume-Uni, Europe continentale, Amérique du nord, Suisse, Australie, Pays émergents
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Sélection par secteurs
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Sélection par actions
La démarche bottom-up
Les partisans de cette démarche privilégient la sélection des actions qui semblent présenter des potentiels de gains importants, indépendamment du pays, du secteur ou de l’industrie d’appartenance.
Remarque : l’étude des corrélations entre les marchés a montré que les bénéfices de la diversification internationale reposent beaucoup plus sur le bon choix des devises et des pays que sur la sélection des titres individuels. Cela a été confirmé par plusieurs analyses de performance des fonds d’investissement. La mauvaise performance pour l’année 1997 des fonds de pension anglais gérés activement a été attribuée à un mauvais choix de marchés en faveur de l’Asie du Sud-Est et au détriment des Etats-Unis. L’inverse aurait donné de bons résultats en raison de l’excellente performance du marché américain.
L’approche top-down fondée sur l’allocation d’actifs et la spécialisation des analystes par pays plutôt que sur la sélection des titres semble être plus bénéfique que l’approche bottom-up.