Ne pas confondre le règlement civil du règlement fiscal.
--> Le droit interne français
Il faut distinguer les biens mobiliers des biens immobiliers. Le législateur français maintient pour les successions la compétence de la loi du dernier domicile du défunt pour les biens meubles et la loi de situation pour les biens immeubles (article 3 du Code Civil) = principe de l’OCDE.
En effet, depuis 1837, la Cour de Cassation affirme de manière constante la compétence exclusive des juridictions françaises pour régir des litiges liés à des immeubles successoraux situés en France, alors même que la succession est ouverte à l’étranger. Réciproquement, elle déclare incompétentes les juridictions françaises pour régler le sort des immeubles étrangers, même lorsque la succession est ouverte en France.
Le patrimoine va être morcelé entre les biens meubles et les biens immeubles. Il s’agit de la théorie du morcellement du patrimoine. Cette théorie a pour inconvénient de faire cohabiter autant de lois successorales différentes qu’il y a d’immeubles situés dans des pays différents. D’où le risque de fortes inégalités entre les héritiers.
Ce n’est que depuis l’arrêt Ballestrero de mars 2000, que la Cour de Cassation a commencé à procéder au revirement de cette jurisprudence jusqu’alors constante.
Aussi, pour lutter contre le morcellement des successions internationales et soumettre l’ensemble des biens du défunt à une loi unique, la jurisprudence s’est tournée vers le mécanisme du renvoi (s’il a pour objet de maintenir l’unité du patrimoine).
Les arrêts de la Cour de Cassation du 23 juin 2010 et du 11 février 2009 reviennent sur le mécanisme du renvoi qui consiste à appliquer une loi autre que celle en principe compétente.
L’arrêt de la Cour de Cassation du 20 octobre 2010 illustre le principe adopté par la France qui est la loi du dernier domicile du défunt pour les meubles et la loi de situation pour les immeubles. Cet arrêt affirme :
– La compétence de la France pour les biens meubles quelle que soit leur localisation (le défunt était décédé en France).
– Le caractère mobilier de parts sociales quelles que soient la composition des actifs et la localisation de la société.
Ce deuxième point ne manque pas d’attirer l’attention puisque c’est précisément parce que la notion de prépondérance immobilière n’influe aucunement sur la qualification juridique des parts de société que ce type de montage est particulièrement intéressant pour les non-résidents. L’ameublissement du bien immobilier leur permet de faire échapper ou au contraire de rattacher un immeuble à la loi successorale du défunt. La règle du lieu de situation du bien est ainsi écartée au profit de celle du domicile du défunt. L’apport d’un immeuble peut donc être utilisé pour assurer l’unité de la succession par les non-résidents possédant un immeuble en France et vivant à l’étranger.
Dans le cadre d’une succession internationale, la loi française prévoit un droit de prélèvement qui permet à tout Français de réclamer, sur les biens du défunt situés en France, la part que lui octroierait la loi française et dont il a été privé par application de la loi étrangère. Cette disposition, vestige d’une loi du 14 juillet 1819, a été jugée contraire à la Constitution. « Etant réservée aux seuls héritiers de nationalité française, elle établit en effet une différence de traitement avec les autres héritiers » a expliqué le Conseil Constitutionnel.
--> Les règles fiscales françaises
Les règles de compétence internes sont définies par l’article 750 ter du CGI, qui prévoit 2 situations :
– Si le défunt était domicilié fiscalement en France.
– Si le défunt était domicilié fiscalement hors de France.
Les règles de répartition conventionnelles sont très différentes d’un Etat à un autre. Afin d’éviter les cas de double imposition d’un même actif successoral, les conventions fiscales, conclues entre les Etats, ont pour objet de répartir le droit d’imposer entre eux.
En matière de droits de succession, la France a conclu, en 2014, des conventions fiscales applicables avec 37 Etats. Ces conventions reprennent généralement les principes définis par l’OCDE, mais avec parfois certaines divergences notables.
--> Ce que l’Europe propose
La Commission européenne propose :
– La consécration du principe d’unicité au travers de la mise en place d’une seule loi applicable à l’ensemble de la succession, quel que soit le pays européen.
– D’appliquer la loi du dernier lieu de résidence habituelle du défunt.
– Mais le futur défunt peut aussi faire le choix, par testament, d’appliquer la loi successorale de l’Etat dont il a la nationalité, à l’ensemble de la succession.
– La mise en place d’un certificat successoral européen visant à apporter plus simplement la preuve de la qualité d’héritier dans l’Etat membre où se dénoue la succession et à faciliter l’accomplissement de l’ensemble des formalités dans les différents pays européens sur la base de ce document.
Il n’y aura plus lieu ni de distinguer les biens meubles et immeubles ni de faire face à la diversité des systèmes nationaux.
Le projet européen ne va pas modifier le contenu et les spécificités des lois nationales. La seule substitution s’opère sur la détermination de la loi applicable.
La Commission européenne a adopté le 14 octobre 2009 une proposition de règlement proposant d’adopter un critère unique qui permettrait de déterminer la compétence des autorités et la loi applicable par défaut à une succession transfrontalière :
– Les héritiers pourront apporter plus facilement la preuve de leur qualité dans l’Etat membre de la succession grâce à un « certificat successoral européen ».
– Le futur défunt pourrait alors choisir la loi qui gouvernera la transmission de l’ensemble de ses biens.
– Par défaut, la loi applicable serait celle du dernier lieu de résidence habituelle du défunt. Toutefois, toute personne pourrait, par testament, faire appliquer à l’ensemble de sa succession, la loi successorale de l’Etat dont il a la nationalité.
Le Comité économique et social européen a été consulté et a rendu ses conclusions et recommandations le 14 juillet 2010.
La proposition européenne du 14 octobre 2009 aboutit au règlement UE n° 650/2012 du 04 juillet 2012, relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions, et l’acceptation et l’exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d’un certificat successoral européen (JOUE 07 juillet 2012).
{La fiscalité est expressément exclue du champ d’application du règlement}
Ce texte fondamental prend la forme d’un règlement et non d’une simple directive. Il s’appliquera à tous les Etats membres de l’UE, à l’exception du Danemark, de l’Irlande et du RU.
Sa mise en application est différée au 17 août 2015.
Ce règlement n’a pas pour but de généraliser les modes de règlement des successions au sein de l’UE. En revanche, le règlement installe quelques règles générales de droit international privé qui seront obligatoirement appliquées par les Etats membres, dans le souci de limiter les conflits de loi fortement préjudiciables au règlement des successions.
Un principe s’appliquera : celui du rattachement unitaire de la loi successorale.
Une seule loi pour le règlement des successions là où de nombreux pays, dont la France, retiennent la scission du règlement successoral avec la distinction entre biens mobiliers et immobiliers :
– Les biens mobiliers assujettis à la loi successorale pouvant être la loi de la dernière résidence ou la loi nationale du défunt.
– Les biens immobiliers assujettis à la loi successorale de leur Etat de situation.
Cette dualité, critiquée depuis toujours par une partie de la doctrine de droit international privé, laisse place au principe unitaire déjà annoncé dans la Convention de La Haye du 01 août 1989 (non ratifiée par la France).
C’est une forte évolution pour les praticiens et les notaires. Ils devront être à même d’appliquer des lois étrangères à propos du règlement successoral des biens immobiliers situés en France.
La loi successorale applicable sera la loi de la dernière résidence habituelle du défunt (article 21). Ce critère de rattachement, largement accepté en droit international privé, est toutefois assoupli par un alinéa 2 qui renvoie « à titre exceptionnel » et en cas de liens plus étroits avec un autre Etat, à la loi de ce dernier.
Le choix de la loi applicable (l’optio juris) est affirmé par l’article 22. Une personne peut dorénavant choisir la loi de sa nationalité (celle qu’elle peut avoir au moment du choix ou bien au moment de son décès) pour régler l’ensemble de sa succession. Cette faculté, inconnue jusqu’alors en droit français, offre de larges possibilités à explorer pour le compte des personnes fixées à l’étranger mais souhaitant voir le règlement de leur succession exécuté selon le droit de leur pays d’origine.
Dans le cadre d’une planification successorale réfléchie, toute personne peut, dès à présent, effectuer une optio juris. Si la succession s’ouvre après le 17 août 2015, alors ladite optio juris trouvera à s’appliquer.
--> Autre mesure prévue dans ce règlement
La création du Certificat Successoral Européen (CSE) : il s’agit de répondre à la grande diversité des habitudes de preuve des qualités successorales (preuve par tous les moyens, certificats judiciaires, actes de notoriété…) et des difficultés d’acceptation par les praticiens des modes de preuve provenant d’autres pays.
Le CSE est un instrument unique, capable de circuler entre les Etats pour justifier des qualités successorales. Il sera facultatif et ne se substituera pas aux documents internes existants.