1- Démembrement, construction d’un bâtiment par l’usufruitier (US) sur le terrain du nu-propriétaire (NP). Pas de donation taxable. Pas de donation indirecte.
Les arguments du fisc, qui considérait que l’augmentation de la valeur du bien profitait nécessairement au nu-propriétaire, et qu’il y avait donc une donation taxable, ont été rejetés par la Cour de Cassation dans son arrêt du 19 septembre 2012.
Le cas soumis aux juges s’était présenté pour un père de famille qui avait donné la nue-propriété d’un terrain à ses enfants, gardant pour lui l’usufruit. Lorsque le père a fait construire une maison sur ce terrain, le percepteur a considéré qu’il avait augmenté la valeur du bien, c’est-à-dire de l’US comme de la NP et qu’il avait donc fait une donation à ses enfants, soumise au paiement de droits.
Les juges ont en revanche déclaré que seul l’US bénéficiait des améliorations apportées puisque lui seul a le droit d’usage du bien. Le NP, en revanche, ne bénéficie pas des améliorations tant que dure l’US.
Attention cependant : dans cette affaire, le père usufruitier est âgé de moins de 60 ans.
L’usufruitier peut engager des dépenses importantes avec une double préoccupation :
– d’une part, adapter le bien à ses propres besoins (utilité première de la stratégie pour l’usufruitier qui sera le premier à profiter des travaux effectués),
– d’autre part, participer à terme au transfert indirect des dépenses engagées qui profiteront au NP devenu alors seul propriétaire (utilité seconde de la stratégie pour le NP profitant des travaux réalisés par autrui).
Il lui est possible d’engager :
- Des dépenses de conservation,
- Toutes dépenses de rénovation et de modernisation,
- Agrandir, surélever, ajouter véranda, garage…,
- Transformer,
- …
Autant de travaux valorisant. Ces travaux ne procèdent pas d’une intention libérale. L’utilité écarte l’intention libérale et permet de repousser toute tentative, de nature tant civile que fiscale, de requalification en donation. Il n’y a ni volonté de s’appauvrir pour autrui (le NP), ni réel appauvrissement. Ses préoccupations sont ailleurs : investir pour lui-même et non pour autrui.
Si la construction était vendue, l’usufruitier participerait à la vente et percevrait sa part du prix de vente.
Par contre, une construction par un usufruitier dont l’espérance de vie serait faible présentera un risque réel de contestation.
Les « exclus, réservataires et administration fiscale » ne peuvent que constater les effets d’une stratégie quelque peu désagréable pour eux.
Au décès de l’usufruitier, les nus-propriétaires retrouvent la pleine propriété du terrain et de l’immeuble construit, en franchise de droits de succession. En effet, en raison de la théorie de l’accession (article 552 du Code Civil), la propriété du sol emporte la propriété du dessus.
2- L’usufruitier qui améliore l’immeuble ne doit pas de taxes. Pas de donation taxable
Le bien immobilier existe déjà, mais il est en mauvais état. L’usufruitier entreprend de l’améliorer, procurant à terme un enrichissement conséquent du nu-propriétaire, devenu plein propriétaire.
L’administration fiscale, pour taxer l’opération comme une libéralité indirecte, se heurte ici à l’article 599 du Code Civil : « l’usufruitier ne peut réclamer au nu-propriétaire aucune indemnité pour les améliorations qu’il aurait faites, même si la valeur de la chose en était augmentée ».
Enfin, pour ce qui concerne la question de l’indemnisation de l’usufruitier par le nu-propriétaire en raison des constructions réalisées, il faut savoir que la construction est considérée comme constitutive d’une dépense d’amélioration (Cour de Cassation, 12/06/2012).