Nouvelles dispositions de l’article L64 du LPF
Voir les articles 205 A du CGI et L64A du LPF
La mesure concerne les actes réalisés à compter du 1er janvier 2020.
Les premières propositions de rectifications pouvant être notifiées à partir du 1er janvier 2021.
L’article L64A comporte deux conditions cumulatives :
- une motivation essentiellement fiscale
- un détournement de l’intention du législateur : la fraude à la loi
L’administration devra le démontrer.
Le fisc sera en droit de requalifier toute action ayant pour motif principal d’éluder en tout ou partie l’impôt. Jusqu’à présent, cette procédure n’était applicable que pour contester les actes dont le motif était exclusivement fiscal.
Ainsi, l’administration fiscale aura donc le choix des armes lorsqu’elle estimera qu’une opération sera constitutive d’un abus de droit pour fraude à la loi :
- l’abus de droit à motif exclusivement fiscal
- l’abus de droit à motif principalement fiscal : plus facile à démontrer
Exemple d’acte qui pourrait être concerné par cette mesure : la donation de nue-propriété d’un bien immobilier à des proches ; apport-cession ; changement IR --> IS ; réduction de capital ; donation avec réserve de quasi-usufruit ; donation avant cession ; la renonciation à succession
Le ministre de l’action et des comptes publics a précisé dans un communiqué de presse en date du 19 janvier 2019 : la nouvelle définition de l’abus de droit ne remet pas en cause les transmissions anticipées de patrimoine, notamment celles pour lesquelles le donateur se réserve l’usufruit du bien transmis, sous réserve bien entendu que les transmissions concernées ne soient pas fictives.
-->Les différentes procédures
Depuis le 03 juillet 2019, le BOFIP indique que la procédure d’abus de droit pour motif principalement fiscal (article L64 A du CGI) concerne tous les impôts, à l’exception de l’IS. Il reste donc l’IRPP, l’IFI, les DMTG, c’est-à-dire à la fiscalité des particuliers. Le champ d’application de l’abus de droit pour motif principalement fiscal est limité à l’abus de droit par fraude à la loi. L’administration pourra appliquer la majoration de 40 % pour manquement délibéré ou celle de 80 % si des manœuvres frauduleuses sont caractérisées. Le BOFIP rappelle légalement au titre des garanties applicables la possibilité pour le contribuable de recourir en amont à la procédure de rescrit organisée par l’article L.64 B du LPF et en aval de saisir le CADF.
Pour l’IS, l’administration se place sur le terrain de l’article 205 A du CGI (la possibilité de saisir le CADF n’est pas prévu ici).
L’exposé des motifs de l’amendement à l’origine de l’article L64 A du LPF précise que l’objectif poursuivi consiste à étendre à l’ensemble des autres impôts la clause dite « anti-abus », applicable en matière d’impôts sur les sociétés (CGI article 205 A).
La démonstration d’un abus de droit par simulation nécessite pour l’administration de se placer sous l’égide de l’article L 64 du LPF.
Les actes découlant directement du CGI :
- pacte Dutreil
- abattement en matière de droits de mutation
- donation avec réserve d’usufruit
Les avantages ne découlant pas directement du CGI : là c’est plus compliqué, les lignes se brouillent :
- Avantages fiscaux consécutifs à une décision de justice : les services fiscaux ne peuvent que tirer les conséquences d’un jugement. Ce qui les empêche de mettre en œuvre l’abus de droit pour motif principalement fiscal (jugement prononçant une adoption simple ou jugement fixant les modalités de paiement d’une prestation compensatoire).
- Avantages fiscaux consécutifs au jeu de textes non fiscaux : l’abus de droit pour motif principalement fiscal prend tout son sens ici (les parents usufruitiers laissent en réserve les bénéfices d’une SCI par exemple ; à leur décès, leurs enfants nus-propriétaires deviennent plein propriétaires des parts et peuvent appréhender les réserves en franchise d’IRPP et de PS).
-->L’administration a publié ses commentaires au bofip-impôts le 31 janvier 2020.
Trois principes sont marquants et doivent être retenus:
- deux conditions cumulatives qui ne peuvent pas se résumer à une exigence unique doivent être réunies pour que l’administration puisse caractériser un abus de droit au sens de l’article L64 A du LPF : l’existence d’une fraude à la loi, d’une part et la poursuite d’un but principalement fiscal d’autre part.
- la nouvelle procédure n’a pas pour objet d’interdire au contribuable d’emprunter la voie qui lui est plus favorable du point de vue fiscal, pourvu que ses choix ne soient empreints d’aucune artificialité,
- les actes poursuivant un but principalement fiscal sont pour l’essentiel ceux qui ne sont dotés d’aucune substance économique ; un acte même s’il entraine un gain fiscal substantiel ne relève pas du nouvel abus de droit s’il produit des effets patrimoniaux effectifs et n’est pas assorti de clauses manifestement abusives.
Les commentaires administratifs précisent que la démonstration d’un abus de droit, qu’elle vise à sanctionner des actes à but exclusivement ou principalement fiscal nécessite la réunion de deux éléments :
- Un élément objectif : l’utilisation d’un texte à l’encontre des attentions de son auteur ; autrement dit une fraude à la loi,
- Un élément subjectif qui pour l’article L.64 A du LPF consiste en une volonté principale d’éluder l’impôt.
Les praticiens ne doivent donc pas redouter que depuis le 1er janvier 2020, l’administration fiscale puisse contester un acte ou une opération au seul motif qu’il poursuivrait un but principalement fiscal.
Les commentaires administratifs confirment que la circonstance que l’opération engendre un gain fiscal substantiel ne suffit pas, en l’absence de fraude à la loi, à caractériser un abus de droit au sens de l’article L 64 A du LPF.
-->Une méthodologie peut être dégagée
Pour tous les actes passés à compter du 1er janvier 2020, le praticien qui est amené à apprécier si l’acte qu’il reçoit ou dans le cadre duquel il intervient est susceptible d’être critiqué sur le terrain de la nouvelle procédure peut retenir la méthodologie suivante :
Dans un premier temps il convient de déterminer si l’opération procède ou non de l’utilisation d’un texte ou d’une décision allant à l’encontre des intentions de l’auteur qui l’a instaurée. Les juristes spécialisés dans le secteur concerné pourront l’assister dans cette démarche.
C’est uniquement si un doute peut exister sur ce point, si une réponse positive peut être apportée à cette question, qu’il conviendrait dans un second temps de s’interroger sur la poursuite d’objectifs principalement fiscaux.
Dans le cas contraire, si le texte ou la décision considéré dont il est fait usage lors de la réalisation de l’opération n’a pas été dévoyé de sa finalité, il n’est pas besoin de hiérarchiser les mobiles ayant présidé à la conclusion de l’acte ou la réalisation de l’opération ni de s’interroger sur la poursuite d’un objectif principalement fiscal.
Cette démarche validée par les commentaires administratifs nous apparaît bien plus sûre et efficace que celle plus anxiogène qui en inversant l’ordre des facteurs, conduirait à s’interroger sur l’existence, beaucoup plus incertaine et par essence subjective, d’un objectif principalement fiscal.