Les pièges des baux d’habitation

Comment défendre au mieux ses intérêts de bailleur tout en respectant ceux de son locataire. La rédaction précise du bail est essentielle.

Un bail écrit

Dans un souci de protection des parties, la loi du 6 juillet 1989, dans son article 3, exige que le contrat de bail soit établi par écrit. Une rédaction qui peut être faite par le bailleur lui-même et sur papier libre. Toutefois, la complexité de la loi ne peut qu’inciter à se procurer un contrat type vendu dans les librairies spécialisées.

Un bail précis

Le contrat doit bien sûr détailler les noms et adresses du bailleur et du locataire.

Si le logement appartient à plusieurs personnes, il faut mentionner les coordonnées de chacune d’elles.

En cas de colocation, il est recommandé d’inscrire au bail le nom de tous les occupants et d’indiquer qu’ils sont solidaires et deviennent alors chacun responsable du loyer en totalité. Non seulement pour le paiement du loyer et des charges mais aussi pour l’exécution des obligations qui leur incombent.

Pour les couples mariés, la signature d’un seul conjoint suffit, chaque époux étant solidairement tenu au paiement du loyer.

Les ménages pacsés sont aussi solidairement tenus à l’ensemble des dépenses inhérentes au logement commun.

Un bail rigoureux sur la durée

Le contrat doit préciser la durée du bail : 3 ans en principe (article 10) dès l’instant où le bailleur est une personne physique ou assimilée (société civile exclusivement constituée entre parents et alliés jusqu’au 4e degré inclus, indivision). La durée minimale est de 6 ans si le bailleur est une société ne remplissant pas ces conditions ou est une personne morale quelconque.

Cette durée peut être réduite, mais jamais à moins de 12 mois, en cas d’événement majeur, familial ou professionnel.

Le renouvellement du bail et montant du loyer

A défaut de congé, le contrat de location parvenu à son terme est soit reconduit tacitement soit renouvelé. Dans les 2 cas, la durée ne peut être inférieure à 3 ans.

Si reconduction tacite alors aux conditions du loyer antérieur.

Toutefois, le bailleur peut diligenter une procédure de renouvellement du bail lui permettant de réévaluer le loyer dès lors que celui-ci est manifestement sous-évalué. Dans ce cas, le bailleur doit proposer au locataire au moins 6 mois avant le terme du bail, par LRAR ou acte d’huissier, le nouveau loyer.

Sous peine de nullité, la notification doit reproduire intégralement les dispositions de l’article 17-c de la loi et mentionner le montant du loyer ainsi que la liste des références ayant servi à le déterminer.

Dans un premier jugement, la Cour d’appel avait estimé que cette liste devait impérativement figurer dans le corps du texte de la notification et non pas en annexe. La Cour de Cassation vient de la déjuger et d’énoncer qu’elle peut figurer en annexe de la proposition (Cassation, 5/11/2003).

Mais depuis le 01 août 2012 (décret n° 2012-894 paru au JO le 21 juillet 2012), lors d’une relocation ou d’un renouvellement de bail, les loyers de logements vides ne peuvent plus subir une hausse supérieure à l’IRL, depuis le 01 août 2012 et jusqu’au 31 juillet 2013. Cette contrainte est applicable dans 38 agglomérations (27 en Métropole et 11 en Outre-Mer). Le site www.territoires.gouv.fr référence les agglomérations concernées. Deux dérogations ont toutefois été accordées :

  • Lorsque des travaux d’amélioration ont été réalisés,
  • Lorsque le loyer est manifestement sous-évalué.

Dans ces deux cas, si le bailleur peut appliquer une augmentation supérieure à l’IRL, celle-ci restera, elle aussi, limitée par décret.

Donner congé

--> Par le locataire

A condition d’observer un délai de préavis de trois mois, le locataire peut à tout moment donner congé à son bailleur par LRAR ou acte d’huissier.

Ce délai est réduit à 1 mois :

  • en cas de mutation,
  • perte d’emploi,
  • en faveur des locataires âgés > 60 ans,
  • en faveur des bénéficiaires du RMI,
  • si obtention d’un logement social, si bénéficiaire de l’AAH ou pour raisons de santé (loi ALUR).

Les époux étant cotitulaires du bail, il suffit qu’un seul réponde à l’une des conditions énoncées pour qu’ils puissent se prévaloir du délai de préavis raccourci.

--> Par le bailleur

La loi ALUR modifie les conditions pour donner congé au locataire en cas de revente ou reprise : le bailleur ne peut plus donner congé immédiatement.

En cas de congé donné à son locataire par LRAR ou acte d’huissier, le propriétaire doit respecter un préavis de 6 mois. Ce congé peut être donné pour diverses raisons : pour vente, auquel cas le locataire dispose d’un droit de préemption ; pour l’habiter personnellement ou le faire habiter par ses proches mais à titre de résidence principale ou encore pour motif légitime et sérieux.

Le congé doit à peine de nullité indiquer le motif allégué. Le congé donné par LRAR doit être adressé à chaque époux par lettre distincte.

Reprise pour habiter : article 13 et 15 L. Il n’appartient pas aux tribunaux d’effectuer un quelconque contrôle sur les motifs ou les mobiles de la reprise. La contestation ne peut porter que sur la réalité de la reprise, ce qui implique un contrôle a postériori. Le défaut d’occupation des lieux par le bénéficiaire de la reprise ouvre au profit du locataire une action fondée sur la responsabilité contractuelle du bailleur. La loi de 1989 n’impose plus une durée minimale d’occupation des locaux par le bénéficiaire de la reprise. Par suite, le bailleur ne peut être tenu d’indemniser son locataire si le bénéficiaire de la reprise n’occupe les lieux que pendant quelques mois (Cour de Cassation du 18 novembre 1998).

Reprise pour motif légitime et sérieux : la loi énonce comme exemple l’inexécution par le locataire de l’une des obligations lui incombant (exemple : non respect des échéances pour le paiement des loyers…). Ou encore la décision du bailleur de restructurer son immeuble…

Reprise pour vente : la vente du logement est un motif reconnu au bailleur pour donner congé et qui ouvre au locataire un droit de préemption. A peine de nullité, le congé doit indiquer toutes les conditions particulières de la vente. Lorsqu’à défaut d’acceptation par le locataire de son offre, le propriétaire décide de vendre à un prix plus avantageux pour l’acquéreur, un second droit de préemption est ouvert au locataire. Cette seconde notification doit être faite par le propriétaire ou à défaut le notaire rédacteur de l’acte. Le droit de préemption n’est pas applicable lorsque la vente intervient entre parents jusqu’au 3ème degré inclus, sous condition que l’acquéreur occupe le logement pendant au moins 2 ans à compter de l’expiration du délai de préavis. Cette exception ne s’applique qu’à la vente consentie directement à un parent proche (pas de SCI). Le droit de préemption n’est pas applicable non plus lorsque la vente porte sur des locaux très vétustes (immeubles mentionnés à l’article 1 de la loi du 04 mars 1953).

Le congé pour vente : une procédure très stricte (loi du 6 juillet 1989)

En location nue

Plusieurs possibilités se présentent au propriétaire. Le choix le plus courant consiste à vendre le bien libre. Il s’agit en effet de la solution la plus simple, la plupart des acheteurs recherchant des logements non occupés. C’est aussi le moyen de tirer le meilleur prix du logement, les appartements vendus avec le locataire faisant l’objet d’une décote sur le prix de transaction.

Néanmoins, la formule de la vente libre présente un certain nombre de contraintes. D’abord, un propriétaire louant sous le régime de la location nue ne peut pas se séparer à n’importe quelle date de son locataire. Il devra attendre l’expiration du bail pour vendre.

Ensuite, pour lui notifier son congé pour vente, le propriétaire doit respecter scrupuleusement le protocole qui lui est imposé par la loi, sous peine de nullité et de reconduction du bail pour 3 ans.

Enfin, en vertu d’un droit de préemption, le locataire est prioritaire par rapport aux autres acheteurs potentiels. Une offre doit donc lui être présentée. Mais attention, il ne s’agit pas de lui faire une proposition sur le pas de la porte puis de se tourner vers d’autres acheteurs si elle est refusée.

Le congé pour vente doit être notifié au locataire au moins 6 mois avant l’expiration du bail et doit donc comporter une offre de vente. Il est primordial que le propriétaire respecte le formalisme du document. Il doit par exemple absolument recopier 5 alinéas de la loi du 6 juillet 1989 dans lesquels sont rappelés les droits du locataire et les obligations du vendeur. Si ces informations ne figurent pas dans le document, le congé pour vente est nul.

Une fois le texte rédigé, il ne reste plus qu’à le faire parvenir au locataire. Le propriétaire peut l’envoyer par lettre recommandée avec accusé de réception, mais mieux vaut qu’il fasse appel à un huissier, car le locataire peut ne pas aller chercher ce recommandé. En effet, le préavis de 6 mois ne démarre pas à compter de l’envoi, ni même à la date de la première présentation du recommandé, mais au moment de sa délivrance effective au locataire, c’est-à-dire du retrait du recommandé.

La proposition faite au locataire est valable 2 mois. S’il l’accepte, il dispose, à compter de la date d’envoi de sa réponse au bailleur, d’un délai de 2 mois pour la réalisation de l’acte de vente, ou de 4 mois s’il souhaite recourir à un prêt. S’il refuse l’offre ou si la vente n’est pas conclue dans les délais mentionnés, le locataire est déchu de tout titre d’occupation à l’expiration du préavis. Il doit donc quitter le logement.

Mais ce n’est pas tout. Car, si le propriétaire révise ses prétentions et trouve finalement preneur à des conditions plus avantageuses que celles initialement proposées à son locataire, il doit les lui notifier. Et ce, que le locataire soit, ou non, encore dans les lieux. Le locataire doit prendre l’initiative de donner systématiquement son adresse au bailleur et pouvoir le cas échéant en faire la preuve. Si le locataire n’a pas pris la peine de faire suivre son courrier, la nouvelle notification ne pourra lui être acheminée et il ne pourra pas faire valoir ses droits. Si le locataire accepte l’offre, il dispose à nouveau d’un délai de 2 ou 4 mois pour procéder à l’acquisition, selon qu’il recourt ou non au crédit.

En location meublée

La loi ALUR aligne en partie ce régime sur celui des locations nues.

Quant aux locations meublées, elles bénéficiaient, jusqu’en 2004, d’un traitement d’exception, les exonérant de cette procédure.

Mais depuis le vote de la loi de programmation de la Cohésion sociale en janvier 2005, le meublé doit se plier à une certaine discipline, codifiée dans l’article L632-1 du Code de la construction et de l’habitation.

Désormais la loi encadre strictement le droit du bailleur de ne pas renouveler le contrat de bail. Alors qu’auparavant, le bailleur se contentait de motiver son refus de renouvellement, désormais, il doit préciser l’un des motifs indiqués par la loi, soit le vente, la reprise du logement, ou l’inexécution par le locataire des obligations lui incombant. Un préavis de 3 mois doit en outre être respecté par le vendeur.

--> Locataires protégés : le bailleur ne peut pas s’opposer au renouvellement du contrat en donnant congé à l’égard de tout locataire âgé de plus de 70 ans (65 ans depuis la loi Macron) et dont les ressources annuelles sont inférieures à 1,5 fois le SMIC annuel, sans qu’un logement correspondant à ses besoins et à ses possibilités puisse être offert dans les limites géographiques prévues par l’article 13 de la loi de 1948. Ces dispositions ne sont toutefois pas applicables lorsque le bailleur est une personne physique de plus de 70 ans ou dont les ressources annuelles sont inférieures à 1,5 le montant annuel du SMIC.

Une description précise du logement

Le bail doit décrire le bien loué en énumérant les pièces composant le logement et les accessoires compris dans la location (cave, garage, parking, jardin, cour).

La mention de la surface n’est pas obligatoire.

A consigner aussi les équipements privatifs dont le locataire a la jouissance exclusive (cuve à mazout, piscine) et les parties de l’immeuble et équipements communs (local à vélos, à poubelles).

L’état des lieux n’est pas obligatoire mais il est fortement recommandé et il doit, en ce cas, être annexé au contrat. Ce document a pour force de désamorcer les conflits entre les 2 parties lors du départ du locataire. En effet, en l’absence d’état des lieux, le locataire est présumé avoir pris le logement en bon état et donc le restituer de même sauf à prouver que les dégradations étaient antérieures à son arrivée. Cet état des lieux est contradictoire, écrit en 2 exemplaires, daté et signé par les 2 parties.

Le montant du loyer

Doivent figurer dans ce contrat le montant du loyer hors charges et les provisions sur charges.

Les loyers charges comprises sont prohibés. Lors d’une première location, le bon loyer doit être bien évalué. Un loyer trop haut peut engendrer des vacances locatives ou des risques d’impayés. A l’inverse des loyers trop bas empêchent d’entretenir son bien et de le garder en bon état. Sans compter qu’un trop faible loyer servant de base pour les locations suivantes rend difficile les augmentations ultérieures.

A chaque règlement, le bailleur est tenu de remettre gratuitement une quittance au locataire qui en fait la demande. En cas de paiement partiel, le bailleur est tenu de délivrer un reçu.

Le montant des charges

La liste des charges récupérables est celle prévue par le décret du 26 août 1987. Ces charges exigibles sur justification, en contrepartie des services rendus au locataire, peuvent donner lieu au versement de provisions et faire l’objet d’une régularisation annuelle.

Un mois avant cette régularisation le bailleur communique au locataire le décompte par nature de charge ainsi que, pour les copropriétés, le mode de répartition entre les locataires.

Le dépôt de garantie

Il n’est pas possible d’exiger d’un locataire une garantie équivalente à plus de 1 mois de loyer, contre 2 avant (loi du 08 février 2008 pour le pouvoir d’achat).

La loi ALUR prévoit une restitution du dépôt de garantie dans le mois quand l’état des lieux de sortie est conforme à celui d’entrée. Les intérêts dus en cas de retard sont de 10 % du loyer, hors charge, par mois de retard.

Elle doit être restituée au plus tard 2 mois après la remise des clefs par le locataire., déduction faite des sommes restant dues au bailleur et des sommes dont celui-ci pourrait être tenu, aux lieu et place du locataire, sous réserve qu’elles soient dûment justifiées.

Un bailleur qui avait voulu obtenir de son locataire le versement de l’équivalent d’un an de loyers en plus des 2 mois réglementaires a été condamné par la Cour d’appel de Paris (11 mars 2004). Pour la Cour, le procédé ne saurait être assimilé à une demande de caution bancaire.

A défaut de restitution, le dépôt de garantie produit intérêt au taux légal au profit du locataire.

La caution

Le cautionnement qui peut être exigé par le bailleur en sus d’un dépôt de garantie, est régi par le Code Civil et par l’article 22-1 de la loi.

La révision du loyer

L’article 17 de la loi du 6 juillet 1989 autorise le bailleur à prévoir une clause d’indexation permettant la révision annuelle du loyer dans le contrat de location. Cette révision intervient une fois par an et est indexée sur l’IRL (indice de révision des loyers) (ou ICC suivant le bail).

Remarque : Avec la loi ALUR : révision uniquement à la date anniversaire du bail, lorsqu’un bail est en cours. Aucun rattrapage ne sera possible si on ne le fait pas.

L’ICC peut encore être utilisé pour les locations de logements ne constituant pas la résidence principale du locataire ainsi que pour les baux professionnels et les baux commerciaux. Rappelons que, pour ces derniers, bailleur et locataire peuvent, depuis le 7 novembre 2010 dernier, choisir un nouvel indice, l’indice des loyers commerciaux.

Le mode de calcul de l’IRL, applicable pour les baux en cours depuis le 10 février 2008, est modifié et constitué de la moyenne sur 12 mois de l’indice des prix à la consommation.

Si le bail ne contient pas cette clause d’indexation, le loyer ne peut être modifié pendant toute la durée du bail.

La résiliation du bail

Clauses de résiliation de plein droit :

  • non paiement de loyer,
  • non paiement des charges,
  • non paiement du dépôt de garantie,
  • absence de souscription d’une assurance des risques locatifs.

Le défaut de paiement du loyer n’entraîne la résiliation de plein droit du bail que si celui-ci le prévoit expressément (clause expresse dans le bail). Dans le silence du bail, le bailleur doit saisir le juge pour demander la résiliation judiciaire du bail.

En cas de non paiement des loyers et charges, la clause ne produit effet que 2 mois après un commandement de payer demeuré infructueux (article 24 L et article 6 de la loi du 31 mai 1990).

En cas de défaut d’assurance, la résiliation ne prend effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux (article 7 de la loi du 06 juillet 1989).

Transfert du bail

En cas d’abandon du domicile par le locataire, le bail continue par le seul effet de la loi, soit au profit du conjoint, soit au profit des descendants qui vivaient avec lui, soit au profit du partenaire pacsé…

En cas de décès du locataire, le bail est également transféré au profit des mêmes personnes.

Le décret du 01 septembre 2011 (entré en vigueur le 03 septembre) précise qu’en cas de décès du locataire, le bailleur pourra demander au TGI, dans le ressort duquel est ouverte la succession, la désignation d’un huissier de justice pour récupérer le logement si aucun héritier ne se manifeste pour vider les locaux. L’intervention d’un avocat n’est pas obligatoire.

 

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