Le bail commercial, son fonctionnement et son jargon

Objet

Le bail commercial est un contrat de location qui porte sur un local abritant une activité commerciale, industrielle ou artisanale, ainsi que sur certains terrains nus sur lesquels ont été édifiées des constructions à usage commercial, industriel ou artisanal (voir conditions). Il est régi par le décret du 30 septembre 1953, qui a instauré un droit de renouvellement au profit du commerçant locataire, véritable clé de voûte du dispositif.

Le commerçant qui exploite le fonds de commerce, jouit de la propriété commerciale sur le local qu’il loue, aux dépens donc du propriétaire bailleur.

Exclusions

Les baux exclus du champ d’application du décret de 1953 :

– Bail précaire : les parties peuvent déroger aux dispositions du décret de 1953 en concluant un bail d’une durée au plus égale à 2 ans. Attention toutefois si le preneur reste en possession des locaux sans opposition du bailleur ou si les parties concluent un nouveau bail pour le même local : dans ces deux cas, les parties seront liées par un bail commercial soumis au décret de 1953.

– Locations saisonnières.

– Convention d’occupation précaire : elle se caractérise par la possibilité pour le propriétaire de mettre fin à la jouissance des lieux à tout moment sans avoir à respecter aucun délai de préavis, ou par une jouissance intermittente des lieux. La jurisprudence exige qu’elle soit justifiée par des conditions objectives.

– Baux particuliers : certains baux sont expressément exclus, relevant d’une réglementation propre :

– bail emphytéotique : réglementé par le code rural,

– concessions immobilières

– bail à construction

– crédit-bail immobilier

Durée

La durée du bail ne peut être inférieure à 9 ans.

Droit au renouvellement

Ce droit est d’ordre public. Aucune clause contraire ne peut être insérée dans le bail commercial.

Les cas de refus de renouvellement sont limitativement prévus par le décret de 1953.

Le titulaire du bail commercial, ou encore le propriétaire du fonds exploité dans les lieux, bénéficie du droit au renouvellement à condition que son bail entre dans le champ d’application du décret de 1953, ce qui exclut le locataire-gérant ou le preneur qui a consenti une sous-location totale.

Vente de l’immeuble

En cas de vente de l’immeuble, le bail doit avoir acquis date certaine pour être opposable à l’acquéreur.

Cession du bail

En cas de cession du bail, il est nécessaire de procéder à des formalités à l’égard du bailleur.

En cas de cession du fonds pour une activité différente (déspécialisation du bail commercial) moins de 3 ans avant la fin du bail, il est indispensable d’obtenir du propriétaire :

  • son accord pour la cession du fonds,
  • une promesse de renouvellement du bail.

Remarque

Depuis la loi PME du 02 août 2005, dite loi Jacob, les communes peuvent exercer un droit de préemption sur les cessions de fonds de commerce, de fonds artisanaux ou de baux commerciaux réalisées dans un périmètre de sauvegarde du commerce de proximité qu’elles fixeront.

Faculté de résiliation

Par le preneur

– Le preneur a la faculté de le résilier tous les 3 ans, moyennant un préavis de 6 mois.

– A tout moment lorsqu’il demande à bénéficier de ses droits à la retraite

– Lorsqu’il a été admis au bénéfice d’une pension d’invalidité

Par le bailleur

– A l’expiration de chaque période triennale s’il entend faire construire, reconstruire, surélever…Le bailleur doit alors, soit verser une indemnité d’éviction, soit offrir un local correspondant dans un emplacement équivalent.

Le congé doit être donné par acte extrajudiciaire et selon les usages locaux, au moins 6 mois à l’avance à peine de nullité.

Le congé donné par le bailleur doit, à peine de nullité, préciser les motifs pour lesquels il est donné et indiquer que le locataire qui entend soit contester le congé soit demander le paiement d’une indemnité d’éviction doit, à peine de forclusion, saisir le tribunal avant l’expiration d’un délai de 2 ans à compter de la date à laquelle le congé a été donné.

Redressement et liquidation judiciaires

Ces procédures n’entraînent pas de plein droit résiliation du bail.

Si le liquidateur ou l’administrateur décide de ne pas continuer le bail, celui-ci est résilié sur sa simple demande.

Condition d’immatriculation

Le preneur doit remplir la condition d’immatriculation au RCS ou au répertoire des métiers.

Lorsqu’un bail est consenti à 2 copreneurs, la condition d’immatriculation doit être remplie pour chacun d’eux (seules exceptions à ce principe : copreneur époux communs en biens ou héritiers indivisaires).

Dépôt de garantie

Un dépôt de garantie de 3 mois de loyers est versé à la signature du bail.

Loyer du bail originaire

Le loyer initial est fixé librement entre les parties. La répartition des charges entre bailleur et preneur relève également de la liberté contractuelle.

Pour compenser la perte de la quasi-propriété des locaux, le propriétaire peut demander, lors de l’octroi du premier bail, le versement d’une indemnité, appelée pas-de-porte. Sa nature est variable et peut fiscalement être considérée :

– comme un supplément de loyer,

– comme une indemnité compensatrice des avantages conférés au locataire.

Il est important que la rédaction du bail en précise avec soin la nature.

Dans les loyers dits « à l’américaine », aucun pas-de-porte n’est versé à l’entrée mais le loyer est élevé et assorti le plus souvent d’une clause d’échelle mobile.

Révision du loyer en cours du bail

La révision du loyer peut intervenir tous les 3 ans dans le cadre de la révision triennale légale ou plus fréquemment en vertu d’une clause d’échelle mobile.

         Révision triennale

La demande en révision ne peut être formée que 3 ans au moins après la date d’entrée en jouissance, ou du point de départ du bail renouvelé ou de l’application de la précédente révision.

La demande formulée par acte d’huissier ou par LRAR doit, à peine de nullité, préciser le montant du loyer demandé.

Rôle de la valeur locative : en principe le montant du loyer révisé doit correspondre à la valeur locative.

Le loyer est soumis à la règle du plafonnement : sa révision triennale est limitée à la hausse par la variation des indices :

  • indice du coût de la construction (ICC)
  • indice des loyers commerciaux (ILC)

         Clause d’échelle mobile

Par dérogation aux règles de la révision triennale, les parties peuvent convenir d’une clause d’échelle mobile. Le jeu de la clause d’échelle mobile est fixé librement par convention, en ce qui concerne :

  • la périodicité de révision
  • le seuil éventuel
  • son caractère automatique
  • la nécessité d’une notification préalable

L’indice choisi doit avoir une relation directe avec l’objet de la convention ou l’activité de l’une des parties (ordonnance du 30 décembre 1958).

Toutefois, la révision légale peut toujours être demandée chaque fois que, par le jeu de la clause d’échelle mobile, le loyer se trouvera augmenté ou diminué de plus d’1/4 par rapport au prix précédemment fixé contractuellement ou par décision judiciaire. Le juge devra adapter le loyer à la valeur locative au jour de la demande. La valeur locative intervient donc ici pour plafonner l’augmentation ou la baisse du loyer résultant du jeu de la clause d’échelle mobile.

Révision du loyer du bail renouvelé

C’est au bailleur de proposer un nouveau loyer, soit dans son congé avec offre de renouvellement, soit dans sa réponse à la demande de renouvellement du preneur, faute de quoi le nouveau loyer ne sera dû qu’à compter de la demande qui en sera faite ultérieurement.

Le montant du loyer du bail renouvelé doit correspondre à la valeur locative qui peut être supérieure ou inférieure au loyer du bail expiré.

Règle de plafonnement : le décret de 1953 soumet à la règle du plafonnement la variation du loyer applicable lors de la prise d’effet du bail à renouveler si sa durée n’est pas supérieure à 9 ans. La règle s’applique :

– lorsque la durée contractuelle du bail expiré n’est pas supérieure à 9 ans,

– lorsque le bail expiré bien que conclu pour une durée de 9 ans s’est poursuivi par l’effet d’une tacite reconduction pendant une période intérieure à 12 ans.

Par contre, la règle ne s’applique pas :

– lorsque la durée contractuellement prévue du bail expiré est supérieure à 9 ans,

– lorsque le bail expiré, bien que conclu pour une durée de 9 ans, s’est poursuivi par l’effet d’une tacite reconduction pendant une période supérieure à 12 ans.

Exceptionnellement, les loyers peuvent faire l’objet d’un déplafonnement si les facteurs locaux de commercialité ont été modifiés et qu’ils ont entraîné une variation de la valeur locative du bien. En cas de désaccord entre les parties, c’est le TGI qui tranche. Mais la loi limite à 10 % du dernier loyer acquitté les réajustements annuels qui peuvent être appliqués au locataire, une règle dont la légalité a été confirmée par le Conseil Constitutionnel (QPC du 07 mai 2020).

Echéance du bail

A l’échéance du bail, le propriétaire n’a que 3 possibilités :

– Donner congé avec paiement d’une indemnité d’éviction : le refus de renouvellement revêt la forme d’un congé donné 6 mois à l’avance par acte extrajudiciaire. (Article 5 du décret)

– Donner congé sans indemnité d’éviction : concerne des cas exceptionnels. Le bailleur est dispensé du paiement d’une indemnité s’il justifie d’un motif grave et légitime à l’encontre du locataire (par exemple, extension de la destination des lieux sans l’autorisation préalable du bailleur)

– Renouveler le bail : dans ce cas un nouveau loyer peut être fixé librement entre les parties, ou avec l’aide de la Commission départementale de conciliation en cas de désaccord. A moins que ne     soit nécessaire une action devant les tribunaux.

Travaux

Répartition des travaux entre bailleur et preneur : Voire la décision de la Cour de Cassation du 03/06/2010, pourvoi n° 09-69762.

Charges

Les charges ne doivent pas incomber toutes au preneur : article R 145-35 du Code de Commerce.

Définitions

-->L’indemnité d’éviction comprend la valeur vénale du fonds, augmentée des frais (déménagement, réinstallation, frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur). L’indemnité doit être au moins égale à la valeur du droit au bail.

Remarque

La destruction des locaux après la date d’effet du congé prive le locataire de l’indemnité d’éviction (Cour de Cassation du 29 juin 2011).

Un bailleur délivre à une société qui lui loue des locaux commerciaux un congé avec refus de renouvellement du bail commercial et une offre d’indemnité d’éviction. Après la fin du congé, un incendie détruit totalement les locaux commerciaux. L’indemnité d’éviction proposée est-elle due au locataire ? « Non », répond la Cour de cassation. La destruction totale du bien loué a entraîné la résiliation de plein droit du bail commercial et la perte des droits contractuels de la société locataire. Le montant de l’indemnité d’éviction n’étant pas toujours fixé au jour du sinistre, la locataire ne pouvait plus prétendre au versement de cette indemnité qui ne lui était pas définitivement acquise au jour du sinistre et n’était donc pas entrée dans son patrimoine.

-->La notion de fonds de commerce regroupe : les éléments nécessaires à l’exploitation et la valeur de la clientèle.

-->La notion de droit-au-bail ou droit-de-bail fait partie des éléments du fonds de commerce. C’est le droit d’exercer.

-->La notion de pas-de-porte correspond à un droit d’entrée justifié par l’emplacement. C’est l’indemnisation du fait que le bailleur aliène la quasi-propriété du local.

Le droit d’entrée (pas-de-porte) perçu par le bailleur constitue, pour le locataire, une charge dont la déduction fiscale doit être étalée sur la durée du bail. Et l’administration considère que l’imposition de cette somme entre les mains du bailleur doit s’opérer massivement sur le résultat de l’exercice de son encaissement. Le Conseil d’Etat dans un arrêt du 14 avril 2008 a estimé que cette manière de voir les choses est contraire à la règle posée par l’article 38-2 bis du CGI selon laquelle les produits correspondant aux prestations continues rémunérées notamment par des intérêts ou des loyers doivent être rattachées au résultat fiscal au fur et à mesure de leur exécution. L’article 38-2 bis entraîne l’échelonnement de l’imposition des droits d’entrée perçus en sus des loyers.

-->L’indemnité de déspécialisation du bail commercial : le changement d’activité peut motiver le paiement à la charge du locataire, d’une indemnité égale au montant du préjudice dont le bailleur établirait l’existence. Le bailleur peut en outre, en contrepartie de l’avantage procuré, demander au moment de la transformation, la modification du prix du bail. Pour déterminer si une telle indemnité versée par le preneur au bailleur constitue une charge de loyer déductible ou correspond au prix d’acquisition d’éléments incorporels du fonds de commerce, voire relève pour partie de l’une ou l’autre de ces catégories, il y a lieu de tenir compte non seulement des clauses du bail et du montant de l’indemnité stipulé, mais aussi du niveau normal du loyer correspondant au local, ainsi que le cas échéant, des avantages effectivement offerts par le bailleur en sus du droit de jouissance qui découle du contrat de bail. S’agissant de la charge de la preuve, il appartient au preneur d’établir que l’indemnité de déspécialisation du bail commercial, comptabilisée en tant que frais d’établissement, n’avait pas pour contrepartie l’acquisition d’éléments incorporels du fonds de commerce, du fait, le cas échéant, du niveau anormalement bas du loyer (CE, 26 juillet 2011).

Démembrement de propriété

Aux termes des dispositions de l’article 595 du Code Civil, l’usufruitier ne peut assurer seul la conclusion d’un bail commercial. L’intervention du nu-propriétaire est indispensable.

Tout bail commercial peut évidemment prendre fin à l’initiative du bailleur. Le locataire évincé se voit alors en principe attribuer une indemnité d’éviction. La question est alors de savoir qui, du nu-propriétaire ou de l’usufruitier, doit en assurer le versement.

La Cour de Cassation vient de donner une réponse à cette problématique dans un arrêt du 19 décembre 2019.

Dans cette affaire, nu-propriétaire et usufruitier s’étaient accordés pour délivrer au locataire un refus de prorogation du bail commercial. Ce dernier s’était alors vu attribuer une indemnité conséquente, en l’occurrence 134 000 € incombant solidairement au nu-propriétaire et à l’usufruitier. Le nu-propriétaire estimait, lui, ne pas devoir être impliqué dans ce financement. Et il obtint gain de cause devant le juge civil. La Cour de Cassation estima que l’usufruitier était seul redevable de l’indemnité en cause.

 

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